Octobre 2025

Par un bel après-midi d'automne, j'ai fait le choix d'aller découvrir les riches collections médiévales et Renaissance exposées au Musée de l'Oeuvre Notre-Dame à Strasbourg. 

Situé à côté de la Cathédrale de Strasbourg, l'Oeuvre Notre-Dame a été créé au Moyen Âge. A cette époque, son rôle était de collecter et de gérer les fonds nécessaires à la reconstruction et à l'entretien de la cathédrale romane dont il ne restait que la crypte et l'emprise au sol.

Célèbre pour ses nombreuses collections composées de sculptures sur bois et en pierre, de tableaux, retables, tapisseries, dessins d'architecture gothiques, de vitraux provenant de la cathédrale de Strasbourg mais aussi d'églises de la région, le Musée de l'Oeuvre Notre-Dame mérite que l'on lui accorde un peu temps. Pour ma part, ma flânerie a duré un peu plus de deux heures.

Voici quelques photographies des oeuvres que j'ai pu découvrir et contempler durant cette agréable promenade dans le musée.

Les vitraux

Plusieurs vitraux proviennent d'églises strasbourgeoises ayant été détruites ou fortement transformées.

Un des plus anciens vitrail exposé au Musée.

Tête d'homme dite "Christ de Wissembourg", 2ème moitié du 12ème siècle, Créateur Anonyme, Restauré vers 1950.


  1. Le Christ enfant, vitrail gothique.

Ce vitrail est très ancien, il a plus de 800 ans. Le visage du Christ enfant a des traits simplifiés et un regard envoûtant.



Les vitraux de l'époque romane sont rares. Par la présence des forêts de sable et d'eau en quantité suffisante, l'Alsace a été une terre privilégiée pour le développement de l'art du vitrail.

Le couronnement de la Vierge ou de l'Eglise, 

2ème moitié du 12ème siècle.

Le prophète Ezéchiel, dernier tiers du 12ème siècle, 

provenant de la nef romane.

Ensemble de bordures décoratives, 2ème moitié du 12ème siècle.

La fin du Moyen Âge

Les vitraux strasbourgeois du 15ème siècle

La fin du 15ème siècle est marquée à Strasbourg par le développement de l'art du vitrail et son rayonnement jusqu'aux confins de l'Empire germanique. 

La production est dominée par Peter Hemmel d'Andlau, maître-verrier à Strasbourg entre 1447 et 1505.

Vitraux du choeur de l'Eglise Sainte-Madeleine de Strasbourg, 1478-1481

On peut également admirer quelques fragments montés en panneau, 

dont les mains du donateur Guillaume Böcklin.

Au Moyen Âge, La richesse des couleurs des vitraux véhiculaient des significations spécifiques et renforçaient le message spirituel des images.

Les techniques médiévales impliquaient la fusion de sable de silice de haute qualité avec des cendres végétales et divers oxydes métalliques pour obtenir les teintes désirées. Ainsi, le cobalt produisait le bleu profond, le cuivre créait le rouge ou le vert, le fer donnait vie au jaune ou au brun.

La crucifixion

Adam au jardin du Paradis, vers 1470, Thiebaut de Lixheim


La salle de la Loge


Conçue entre 1579 et 1582, la grande salle de réunion des maçons et tailleurs de pierre de la cathédrale, dite "salle de la Loge" est restée pratiquement dans sa configuration d'origine. Ornée de boiseries et de peintures murales, elle est surtout remarquable pour son riche décor peint du 16ème siècle, attribué à Wendel Dietterlin.

La salle sert de cadre aux sculptures de l'octogone de la grande tour ainsi que du portail Saint-Laurent de la cathédrale.

En avant plan : la Sirène en grès, 1571

La réalisation de la Sirène correspond à la période d'activité de Hans Thoman Übiberger, architecte du buffet de l'horloge astronomique ainsi que de la salle de la loge.

Cette sirène à deux queues provient de manière certaine de la cathédrale de Strasbourg. Fortement endommagée, elle a été déposée et remplacée par une copie sur l'édifice dans la première moitié du 20ème siècle.

Homme au cadran solaire, façade du croisillon sud du transept de la cathédrale, grès, 1493, Conrad SIFFER.

Le chantier de la cathédrale de Strasbourg a produit au cours du 13ème siècle des sculptures parmi les plus exceptionnelles du monde médiéval. La plupart se trouvent réunies au Musée de l'Oeuvre Notre-Dame et sont remplacées sur la cathédrale par des copies en grès. 

Une sculpture du portail Saint-Laurent de la cathédrale, 

grès rose, vers 1502-1503, Hans von Aachen (Jean d'Aix).

Chimère sur fleuron à crochets, grès rose, vers 1240-1250.

Chien sur fleuron d'acanthe, grès rose, vers 1240-1250.


La salle du Jubé


Au début du 20ème siècle, de nombreuses sculptures de la cathédrale de Strasbourg ont été déposées et remplacées sur l'édifice par des copies. Les pièces originales de ces chefs-d'oeuvre de la sculpture gothique sont exposées dans la plus vaste salle du musée, dite salle du Jubé.

C'est pour les protéger contre les intempéries et la pollution que la décision a été prise au début du 20ème siècle d'enlever les sculptures de l'édifice.

Les Vierges sages, grès rose, 1280-1290

Têtes d'apôtres, grès rose, vers 1220

Le sacrifice du jeune Isaac par son père Abraham

grès rose, vers 1240

Le relief se trouvait probablement à l'origine au revers du jubé de la cathédrale, construit vers 1252.

Cette sculpture était presque entièrement peinte de vives couleurs, comme une bonne partie des sculptures en grès de la cathédrale.

Le Musée de l'Oeuvre Notre-Dame conserve un ensemble de sculptures et d'éléments d'architecture originaux de la cathédrale de Strasbourg.

Relief avec lion et dragon, grès rose, 11ème siècle

Fausse gargouille en tête de lion, grès rose, vers 1160

Fenêtre géminée à oculus, grès rouge, vers 1200

Certaines fenêtres romanes ou gothiques possèdent une armature en pierre taillée,  sculptée et ajourée. Il est courant de rencontrer des fenêtres géminées, mais il est plus rare de retrouver un oculus (fenêtre ronde) dans l'architecture romane, gothique et Renaissance. A l'époque baroque, l'oculus devient oeil de boeuf.

Base de colonne zoomorphe, grès rose, fin du 12ème siècle

Vierge à l'Enfant, bois de tilleul, début du 13ème siècle

L'Eternel place Adam et Eve dans le jardin d'Eden, statue, 1280

Coffre à pentures de fer forgé, chêne, 13ème siècle

Fragment de la galerie des apôtres, grès, vers 1365

Roi d'une Adoration des mages, grès, vers 1490


D'autres sculptures du 14ème siècle


Gisant découvert en 1847, grès rose, vers 1320

Cette sculpture fut identifié comme étant le monument funéraire d'Hugues Zorn, décédé en 1321. 

Max Zorn, son lointain descendant, se l'appropria et l'installa dans son château d'Osthouse (Alsace). Le Musée de l'Oeuvre Notre-Dame fit l'acquisition du gisant qu'en 1993, mais l'analyse démontra alors que les éléments d'identification (les écus avec les armoiries des Zorn) étaient des ajouts du 19ème siècle. C'est ainsi que le gisant devint dès lors anonyme.

Saint sépulcre en grès rose, construit dans les années 1340  dans la chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale de Strasbourg.

Les fragments du monument, détruit au 17ème siècle, ont permis la reconstitution du sarcophage.


La  corniche de l'ancienne chapelle de la Vierge de la cathédrale de Strasbourg

La chapelle  disparue


A l'intérieur de la cathédrale de Strasbourg, Maître Erwin a érigé en 1316 la chapelle de la Vierge, patronne de la Ville et de la cathédrale. Détruite en 1682, seuls subsistent des fragments de son entablement, dont l'un porte le nom d'Erwin en majuscules gothiques.

La chapelle serait l'une des dernières réalisations de Maître Erwin, dit de Steinbach (1244-1318), maître d'oeuvre de la cathédrale, mort deux ans après sa construction.

Fragment en grès rose retrouvé en 1845 dans le remblai au-dessus des voûtes de la crypte de la cathédrale et provenant de l'entablement qui soutenait la balustrade au sommet de la galerie supérieure de la chapelle détruite.


Le mythe Erwin

von Steinbach 


On doit la découverte d'Erwin von Steinbach à Goethe et aux romantiques allemands, enthousiasmés par la cathédrale de Strasbourg et ses dessins d'architecte.

Maître Erwin est présenté jusqu'au 19ème siècle comme une figure mythique de l'art allemand, en tant qu'unique auteur de l'édifice. Mais cette vision est remise en cause dès la 2ème moitié du 19ème siècle par les historiens qui redécouvrent alors la chronologie de la construction. Aujourd'hui, les historiens de l'art s'accordent sur le fait qu'Erwin, mentionné à plusieurs reprises comme maître d'oeuvre, était bien architecte. Il aurait dirigé un certain nombre de chantiers dont la façade de la cathédrale jusqu'à sa mort en 1318.


Quelques objets d'art


Poire à poudre sculptée, ivoire et argent, 

fin du 16ème ou début du 17ème siècle

A droite : buste de saint Sébastien, 16ème siècle

Au centre : Le Jugement de Pâris, broc à couvercle, 

argent partiellement doré, 17ème siècle

A gauche : statuette représentant saint Sébastien,

 ivoire et métal, 18ème siècle

Broc à couvercle à scènes bachiques, ivoire et argent, 

17ème siècle

Croix de procession de l'église de Wolxheim

argent en partie doré sur âme de métal, 1551-1552

Table d'inculpation des orfèvres strasbourgeois

Ces plaques d'étain, montées en diptyque, sont des documents officiels et très précieux sur lesquels sont gravés les poinçons d'orfèvre. Mieux qu'un registre d'immatriculation, ces supports servaient, pour les autorités municipales et pour la corporation des orfèvres, de table officielle et indélébile des empreintes des maîtres-orfèvres.

Ces tables sont fondamentales des pièces d'orfèvrerie d'origine strasbourgeoise et pour l'attribution à tel ou tel maître-orfèvre.

Boîte à hosties, argent doré, émail peint de Limoges, 

avant 1567

Baiser de paix orné d'un saint Jérôme

argent doré, émail peint de Limoges, avant 1567


Strasbourg et le Rhin supérieur 

fin du 14ème siècle

début et fin du 15ème siècle


Coffre à peintures de fer forgé à décor de fleurs de lys 

chêne, 14ème siècle


Vierge à l'Enfant, bois polychromé et doré, tilleul ?, 

Alsace, 14ème siècle


Sainte, Noyer polychrome, vers 1430


Vierge à l'Enfant, bois polychrome, vers 1460


Adoration des Mages, Noyer polychrome, vers 1460

Circoncision, Noyer polychrome, vers 1460


Epitaphe au pissenlit, Strasbourg cimetière des antonites ?, grès rose, 1470-1480

"O homme fragile, songe à la destinée des fleurs,

priez pour lui"


Groupe de centurions avec Nicodème 

et Joseph d'Arimathie 

au pied de la croix

marbre avec restes de polychromie ancienne, vers 1470-1480


Groupe de la Vierge et de Saint Jean au pied de la croix

 marbre et restes de polychromie ancienne, vers 1470-1480


Bustes d'hommes accoudés, bois polychrome, 

vers 1470-1480


Christ des Rameaux, tilleul et saule polychromes, vers 1480 

(âne remplacé au 19ème siècle)


Vierge de piété, tilleul ?, fin du 15ème siècle


Vierge à l'Enfant, bois, fin du 15ème siècle


Buste d'ange, tilleul polychrome, fin du 15ème siècle


Bustes d'hommes accoudés, tilleul polychrome, vers 1500,

attribué à Nicolas de Haguenau


Vierge de piété, tilleul, polychromie ancienne, vers 1500


Tête de femme, bois polychrome, vers 1520


La collection de tableaux permet de retracer l'évolution de la peinture entre le 15ème et le 17ème siècle. Le musée expose un ensemble d'oeuvres majeures du 15ème siècle rhénan (Conrad Witz, Nicolas de Leyde, ....



Les amants trépassés, huile sur panneau de sapin, vers 1470

Le revers de ce portrait de fiancés dissimulait à l'origine la figuration du couple après son trépas. Ce panneau, conçu pour être accroché au domicile de ses commanditaires, invitait à la méditation sur la vanité des choses terrestres "Ce que nous sommes, vous le deviendrez ...".



Retable de Saint Sébastien, bois (tilleul) polychromé, 

vers 1520


Sainte Elisabeth de Hongrie, bois polychrome, vers 1520


Vierges à l'Enfant, bois polychrome doré, vers 1520


Une collection unique de dessins d'architecture médiévaux


Au troisième étage du Musée, on se retrouve dans deux salles qui contiennent notamment de nombreux projets liés au chantier de la cathédrale de Strasbourg. Ce fonds de dessins d'architecture est l'un des ensembles les plus importants d'Europe.

On doit à la période gothique la naissance du dessin d'architecture. À l'époque romane, la structure d'une église était suffisamment simple pour ne nécessiter qu'un tracé au sol grandeur nature : l'épure.



Encre et Aquarelle sur parchemin

On attribue à Erwin de Steinbach la construction des portails occidentaux et de la grande rose. Il reste cependant difficile de déterminer l'ampleur réelle de l'apport d'Erwin. Si l'on en croit la chronologie généralement admise, il ne serait arrivé sur le chantier qu'en 1284, après le début des travaux de la façade en 1277. Il ne serait donc pas l'auteur de certains dessins du projet. Par contre il serait celui des dessins d'exécution définitifs, notamment de certains dessins de la façade. 

La qualité exceptionnelle de ces dessins et d'autres réalisations de sa période d'activité, comme le monument funéraire de l'évêque Conrad de Lichtenberg, témoignent du degré de perfection atteint par les artisans du chantier de la cathédrale, qu'Erwin de Steinbach dirigeait alors depuis plus de trente ans.

Encre et Aquarelle sur parchemin


Outillage utilisé par les maîtres d'oeuvre au 15ème siècle 

pour réaliser les dessins d'architecture


"Musterbuch" (recueil de modèles

de l'architecte Hans Hammer


Et tout le long de la visite, 

aux étages supérieurs,

nous sommes accompagnés 

de très jolies vues sur la cathédrale.




Une statue de Maître Erwin se trouve au niveau du portail sud du transept de la Cathédrale. 


La tourelle d'escalier 

du Musée


L'escalier en vis construit en 1578-1579 dessert les étages du Musée de l'Oeuvre Notre-Dame. Il constitue une prouesse de maçonnerie alliant la rigueur gothique et l'ornementation de style Renaissance.


Le jardin médiéval

Créé en 1937 par Hans Haug, rénovateur des grands musées de Strasbourg, le petit jardin médiéval s'inspire de la tradition des peintres et graveurs du 15ème siècle. On peut y accéder à partir de l'intérieur du Musée de l'Oeuvre Notre-Dame. 

Déjà présents à la fin du Moyen Âge, les neuf carrés sont composés de plantes médicinales, ornementales, et aromatiques.

Une collection de dalles funéraires sont exposées sur le côté du jardin. 

Placée au centre de la collection se trouve la dalle funéraire de Louis V de Lichtenberg (1471).

En premier plan : cuve baptismale romane sculptée

Bosquets, tilleul, treille, contribuent à faire de ce lieu un ravissant petit jardin.

Le porche sur le côté du Musée facilitait le passage des chariots vers la cour.

Voilà ! la promenade dans ce joli Musée de l'Oeuvre Notre-Dame de Strasbourg s'arrête ici. N'hésitez pas à vous y rendre. Vous y découvrirez de très belles collections qui témoignent du passé prestigieux de Strasbourg à travers sept siècles d'art médiéval et Renaissance.

Merci d'avoir lu cet article. 

J'espère que vous avez apprécié ce partage. 

Je vous dis à bientôt.

Christiane Muller

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